Le Fort Caraby : entre stratégie militaire et mémoire paysagère Au cœur des étangs du Cam, le Fort Caraby se dresse discrètement, entouré d’une nature paisible. Pourtant, ce lieu aujourd’hui propice à la flânerie fut jadis un élément stratégique de la défense de Péronne.Construit en 1850, il porte le nom de Jean-Pierre Caraby, l’un des architectes ayant participé à l’élaboration des ultimes lignes de défense de la ville, alors encore considérée comme une place forte militaire. Ce fort faisait partie d’un système de fortifications hérité du Moyen Âge, destiné à protéger l’accès nord-est de Péronne, en particulier la route des Flandres, axe crucial menant à Paris.Implanté au sein d’une zone marécageuse, le Fort Caraby intégrait un dispositif défensif particulièrement astucieux : ses murets faisaient office de batardeaux. En ouvrant les vannes, les soldats pouvaient provoquer l’inondation des prairies environnantes, transformant le paysage en un marécage infranchissable pour d’éventuels envahisseurs.Le site rend également hommage à Fidel-Achille Caraby, fils de Jean-Pierre, qui reprit les travaux de son père et s’engagea dans un processus audacieux : le déclassement de Péronne en tant que place forte, à une époque où cette décision allait à contre-courant des doctrines militaires.Mais l’histoire avance. L’essor de l’artillerie moderne, notamment révélé durant la guerre franco-prussienne de 1870-71, mit en évidence l’obsolescence des fortifications traditionnelles. À partir de 1906, les murailles de la ville furent progressivement démantelées.Aujourd’hui, le Fort Caraby ne conserve que quelques vestiges, témoins muets d’un passé stratégique. Pourtant, son cadre naturel et sa mémoire enfouie en font un lieu de promenade chargé d’émotion. Là où jadis l’armée veillait, les oiseaux ont repris leurs droits, et le murmure de l’eau nous raconte, à sa manière, l’histoire oubliée des défenses de Péronne.